le chant du pin du cours d’eau dans la vallée de l’oiseau en montagne des insectes le soir de la grue du qin-古琴 de la pièce d’échec des gouttes de pluie sur les marches de la neige contre la fenêtre de l’eau qui bout pour le thé sont tous les plus purs des sons mais le meilleur est celui de quelqu’un qui lit et si le son d’une lecture est le plus grand bonheur alors entendre une lecture faite par un élève est une joie indescriptible
ce poème pourrait expliquer une annotation que l’on trouve au début de la 4ème partie du morceau de qin-古琴 trois variations sur la fleur d’ume (梅花三弄). source : http://www.silkqin.com/02qnpu/07sqmp/sq19mhsn.htm
2400 pages de plaisir mauvais à détailler la médiocrité, la mesquinerie à faire son intéressant
à fantasmer en groupie adolescente aux people de son temps
à peindre un monde de tromperie de ragots, de duplicité, de faux de poses de carnaval
un monde de pathologies de médisance, snob de fuite du réel dans les mots
un monde vain vénérant une esthétique de classe sans fraicheur où les œuvres d’art ne sont là que comme indices de rappel de scènes qui toutes rejouent un fort-da torturant un écroulement passé un trauma incicatrisable
un monde vu par un cadavre où tout est rempli par ce qui n’est plus
où le raffinement est toujours sali par l’intrusion du seul réel qui compte celui de l’effraction de la pulsion irrépressible l’homosexualité des femmes mais uniquement dans ses passages à l’acte le cuissage, les lolitas, le voyeurisme jaloux le masochisme et la pédophilie l’homosexualité masculine comme norme ou prestige la sexualité qui s’achète et se vend comme une addiction honteuse de bon ton
les onze milles verges d’appollinaire sont autrement moins faux-cul pour dépeindre le même milieu de la même époque elles assument leur obsession pornographique en bon vivant personne n’y ment personne ni ne s’y ment
la recherche est un monde toujours orienté vers le passé ou vers l’absence jamais vers l’ici et maintenant connecté simplement au monde toujours dans la saturation symbolique dans le sens et le commentaire dans la bouillie substitutive autoérotique des phrases sans fin
un monde où les mots ne renvoient pas aux choses ils sont frottés pour leur pelures les fleurs ne valent que pour leurs pétales les robes y sont des dessous des fétiches des substituts de corps pleins
un monde du passe-temps de l’ombre du temps mort du renoncement sans orgasme sans solaire sans authenticité
une perpétuelle tension excitée sans release
un monde où la vérité n’existe pas où la confiance est impossible
un monde qui déploie des centaines de pages à décrire des femmes riches entretenues vulgaires bêtes et méchantes seule une mauvaise commère peut se délecter à écrire autant sur ce monde de cocottes et de bêcheuses « mme verdurin, c’est moi »
un monde sans héros sans rôle modèle positif masculin ou féminin un monde où il n’y a pas d’espoir d’amour sain, partagé, constructeur
les rares pages vibrantes et justes sont noyées dans une démonstration de virtuosité d’un français qui étouffe à perdre au point qu’il faille la troupe de la comédie française 150 jours 150 heures en temps de covid pour le rendre accessible afin que le livre ne tombe plus des mains
un monde sans respiration sans espacement sans ma-間 sans fugue saturé comme un mauvais sanskrit
où la jouissance d’une sensation ne vaut pas pour elle-même mais pour sa mise en relation sa comparaison à une autre
un monde de fuite permanente qui annule tout contact avec le souffle présent de la vie
un monde de la bulle du virtuel phobique pour les immuno-déprimés monde de l’hyper-névrose généralisée
un monde sans montagnes
un monde d’enfant frustré refusant que le réel ne ressemble pas à ses contes de fées
un monde qui ne renonce pas à la pensée magique des sortilèges en les forçant dans l’étrangeté exotique de la toponymie de l’architecture de la généalogie du name-dropping
un monde de lutte de classes angoissée et violente décrivant la crispation des juifs et des bourgeois à entrer dans les plus hauts cercles de la légitimité sociale
où tout l’enjeu de tous se résume à la question unique qui est supérieur à qui
monde de la vénération de la puissance dans la soumission des autres complexe de supériorité mégalo révèlant son envers permanent la certitude de n’avoir rien pour plaire d’être incomplet à jamais insuffisant
un texte hypocrite aussi hypocrite que l’hypocrisie de charlus albertine est un albert et le lecteur ne devrait pas être contraint de faire semblant de croire le contraire
un monde sans virilité adulte sans féminité adulte
un monde de l’apologie de la douleur de la souffrance pour justifier l’art
un monde rationalisant la procrastination a posteriori pour justifier l’oeuvre
il n’y a pas dans la recherche de célébration du vrai et du juste du monde tel qu’il est mais une glorification une mise en scène encyclopédique de tous les mécanismes de défense
sa psychologie des personnages n’est pas la psychologie générale humaine
non le mensonge, l’inauthenticité la méchanceté, la petitesse l’obsession de l’identité sexuelle le tabou et l’hentai ne forment pas l’universel de l’expérience des vivants
le monde n’est pas le vice le réel n’est pas un lounge infernal un purgatoire rococo
alors pourquoi perdre autant de temps dans un monde qui n’inspire pas qui ne donne pas envie mais plutôt la nausée
2. un temps perdu ? non
on ne choisit pas son milieu son époque son corps
on ne choisit pas de naître malade une enfance malade une vie de malade
qui pourrait reprocher à un souffrant les effets de sa maladie les recherches où qu’elles se trouvent des étincelles de la vie
aussi problématique aussi peuplée de gargouilles soit-elle comment ne pas être stupéfait devant une cathédrale élevée par un homme seul sans santé
un homme dont la procrastination mise en avant pourrait presque masquer la prouesse de héro la discipline surhumaine la victoire sur soi requises pour en faire un si long récit
alors que le souvenir du livre se dissout progressivement en nous tous les traits négatifs de son univers particulier s’effacent pour ne briller que de l’universel du hors-temps qu’il honore
« chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition »
la recherche crée ce paradoxe ajouter du bon, du beau, du sens au monde en dépeignant un monde insignifiant où le bon le beau n’existent pas
mais la recherche apporte davantage nous gratifie d’un don que seul l’art à son sommet permet
la recherche nous transforme
on n’est plus le même avant et après l’avoir terminée
elle nous donne accès elle nous rend l’accès à une expérience du monde qu’on ne pourra plus jamais oublier
une expérience qui enrichit notre relation au monde notre présence au monde notre jouissance du monde notre vie de vivant
le temps devient soudain plus épais le présent plus profond
nos spécificités nos limites nos atermoiements deviennent connectés au plus grand que nous et qui nous honore
le temps consacré à la recherche n’est pas un divertissement cette œuvre n’est pas de la littérature
la recherche est une expérience philosophique existentielle similaire à celles rarissimes dans une vie des meilleurs cabinets psy des lieux sacrés les plus justes
mais une expérience non thérapeutique car il n’y a pas de soin à être vivant et non gnostique car elle se cantonne aux heures humaines
la recherche est une cathédrale dans le sens où elle réaccueille dans la communauté des vivants dans l’éternité de l’impermanence rend possible la communion
la joie y vient d’y sentir d’autres paumes dans un univers fait d’évitement
alors que le temps ralenti du texte décrit une fuite continue du présent la transe produite par sa phrase confusionnante nous invite à nous baigner avec bonheur dans l’étoffe riche claire de l’ici-maintenant
nous relie à la chaîne d’or de toutes les âmes
nous redonne dans le détail de la petitesse la fierté de la noblesse la grandeur du genre humain
après ma soutenance de thèse et la veille de la naissance non attendue de ton premier oncle celui que je n’ai jamais pu aimer j’ai compris que dans notre guerre les hommes sont des robes dont on s’habille pour plaire aux autres femmes
une robe doit être signée d’un cachet identifiable elle doit t’aller intégralement mettre en valeur ton corps en toutes circonstances
ce n’est pas à ton corps à s’adapter à la robe
trop longue elle te ferait trébucher trop courte elle te rend ridicule
toutes les robes ne nous vont pas à tout âge les modes changent les tissus s’usent se tâchent on en perd en voyage
une robe rapiécée ou à trous bien placés on peut la porter l’été ou en week-end jamais sur son lieu de travail ou au bridge
une robe ça ne doit pas avoir de plis mal repassés ce ne doit pas être vulgaire ni diminuer notre féminité
une belle robe impose pour mieux s’effacer devant notre personnalité
elles nous révèlent sans rien dire vois comme c’est beau sans rien dire sans rien dire
le tissu doit être du plus grand luxe sans trahir son prix ses couleurs ses motifs seront raffinés mais d’une humilité effacée comme s’excusant d’avoir dû utiliser tant d’heures et d’expertises épuiser tant d’yeux et de mains pour exister pour nous
une vraie robe ne demande que peu d’entretien se range et se sort facilement du placard sans nous donner le sentiment de se plaindre comme nos petits chiens dont on oublie la promenade
une robe se laisser retailler sans susciter la culpabilité d’un sacrifice
et en fin de vie cela fait de beaux chiffons
qu’on est fière de donner aux bonnes œuvres
j’ai senti dans ma gorge ce jour-là qu’il n’y avait rien à espérer pour nous ici-bas
alors fais des hommes ces écrins de notre insignifiance
ma fille je vois bien que tu n’es pas bien regarde moi tes cernes tu gardes tout en toi depuis deux semaines mais là ça suffit raconte moi ce qui se passe
alors mais là oui c’est vraiment une situation de crise
à ton âge tu sais bien que cette histoire c’est ta dernière chance l’ultime toutes tes amies vont se moquer de toi imagine leurs rires derrière ton dos
tu ne peux pas laisser passer cette occasion c’est vraiment la dernière tu dois lui mettre le grappin dessus et serrer les dents même si tes paumes saignent
je peux t’assurer que tu ne veux pas te retrouver vieille comme moi à dépendre tous les mois de la pitié d’un de tes enfants
bien sûr que oui tu as bien fait de lui mentir s’il te croit beaucoup plus vive beaucoup plus cultivée que tu ne l’es alors surtout continue de faire semblant
s’il a gardé le souvenir qu’il avait de toi il y a trente ans s’il découvre que tu as gâché tant de tes potentiels par tes choix passés alors c’est garanti il va fuir tu vas mettre deux ans à digérer l’histoire et tu seras bien trop vieille alors pour qui que ce soit je te rappelle que tu as trois ans de plus que lui
pour faire semblant ce qui marche à tous les coups c’est de rester impassible n’exprime aucune opinion
s’il te demande ce que tu penses de quelque chose la technique c’est de lui retourner sa question puis de broder à partir de sa réponse
si tu répètes cette astuce plusieurs fois en restant bien froide bien supérieure alors il va croire que c’est lui qui est inférieur
et c’est cela la clé les hommes il faut les contrôler il faut les dominer de la tête ou à tout le moins leur faire croire qu’on les domine de la tête c’est déjà bien assez qu’ils nous écrasent quand ils sont sur nous
mais surtout rassure-le pour son corps ne lui parle pas de ses cheveux ou de ses fesses molles répète-lui plusieurs fois par jour que c’est un apollon qu’il te plait physiquement
à votre âge il est juste à la frontière il a besoin d’entendre cela c’est avec ce truc qu’on les ferre
et de ton côté bloque au moins trente minutes de plus par jour pour maquillage démaquillage vêtements et crèmes de soin
tes cheveux courts si agréables l’été je suis bien d’accord avec toi c’est fini désormais c’est au moins un carré donc compte quinze minutes supplémentaires pour ton brushing
en gros le petit carnaval dont ont besoin les hommes cela nous coûte une heure quotidiennement mais cela ne dure que six mois un an au plus après tu pourras te laisser aller comme avec ton ex-mari
ou bien tu le continueras pour exaspérer tes copines
je suis d’accord le problème avec cet homme c’est son dada surtout ne va pas dire que cela te fait peur surtout ne lui dis pas que tu n’y comprends rien et que tu n’aimes pas complimente-le
nous serions toutes comme toi des masques précolombiens sur tous les murs c’est à en faire des cauchemars s’il te donne une leçon sur ses poteries primitives ne lui parle surtout pas des gien de ton oncle
alors je sais bien c’est compliqué ne pas révéler son ignorance et lui faire croire que tu t’intéresses à ses bidules quand ce n’est pas le cas c’est comme pour son corps il faut que tu jongles
fais semblant d’être curieuse laisse-le faire son fier à t’expliquer son hobby et fige bien ton visage pour ne pas laisser passer que tu n’aimes pas
pourquoi ne passerais-tu pas à la librairie pour te faire recommander un livre sur le sujet tu marquerais des points faciles en le surprenant avec un ou deux mots de son charabia
la règle d’or c’est de fermer sa mouette ce qui est facile puisque comme c’est un homme il va te la fermer pour toi en te faisant bien comprendre à quel point tu n’y connais rien
pour son dada et pour son dada exclusivement laisse le pavaner dominer faire son coq après tout tu as de la chance que ce ne soit pas la chasse
et puis surtout surtout ne dis jamais que tu n’es pas d’accord si les hommes pensent que nous avons des idées personnelles différentes des leurs ça les attaque dans leur virilité et ils nous jettent
il doit te penser comme un esprit supérieur confortant validant son univers le seul l’unique possible
alors fais-toi vive cultivée oui je sais c’est fatiguant et si tu ne l’es pas suffisamment fais semblant ou fais la supérieure
parce que toutes tes angoisses actuelles s’il venait à te dire que tu ne l’intéresses plus s’il te jette parce que tu l’ennuies cela vient du fait que nous payons notre sécurité en n’étant qu’uniquement
je suis une vachère je remplace les fermiers quand ils sont malades ou quand ils partent quelques jours
un jour j’aurai ma ferme et j’appellerai l’association de la vallée pour qu’on m’envoie une vachère
j’espère qu’elle sera aussi belle que moi aussi coquette que moi malgré l’écurie
moi je serai moins jolie ça abîme vite une ferme une famille
mon amoureux travaille en alpage on se dispute beaucoup il aurait voulu être sportif ou sauveteur de haute montagne
c’est le plus rapide le plus résistant des jeunes du coin ma mère se moque de moi quand je le regarde torse nu il sent bon
mais il est sensible trop sensible la compétition le rend malade et les accidents qu’il a vus comme pompier volontaire continuent à lui donner de mauvais rêves
alors il descend de l’alp haut à la coopérative trois fois par semaine pour livrer les fromages frais des chèvres
quand il descend ses patous gardent le troupeau
il y a trois semaines une génisse s’est encore faite dévorée vivante par les loups
on a défilé en laissant le corps mutilé devant la préfecture
parfois les patous attaquent les promeneurs imbéciles ça stresse mon amoureux on s’envoie des messages et on trouve moyen à se disputer
je suis le prêtre d’un petit temple en bois un petit temple avec un beau jardin dont je m’occupe tous les jours les touristes ne viennent que pour les lotus en fleur
heureusement qu’il y a les morts parce que sans les morts on ne survivrait pas
ma femme qui aime les ordinateurs s’occupe des factures pour les célébrations et envoie les mails pour rappeler aux familles les dates anniversaire
personne ne croit plus à rien sauf à la peur des morts à l’amour des disparus
j’aime le rock je m’entraine à la guitare avec des écouteurs dans la pièce juste à gauche de l’autel le bel autel patiné à la feuille d’or avec sa vieille statue de kannon et la statue secrète de kankiten dont on n’ouvre plus jamais la boite
je m’emmêle parfois dans les rituels mais personne ne s’en aperçoit même ma femme
alors je survis entre deux célébrations pour les morts en apprenant de nouveaux morceaux sur ma guitare électrique
quand il fait chaud surtout quand il fait très chaud l’été je fais de longues siestes
de toute façon personne ne vient
si c’est pour un mort on est prévenu par téléphone ou par mail sur le site donc j’ai le temps de remettre de l’ordre dans ma tenue et sur l’autel
je faisais ma sieste celle de 13h30 la longue quand tu m’es venu en rêve
tu étais là tu rigolais bien gras bien jovial bien pauvre un beau moine mendiant des siècles passés
les couleurs de ton vêtement sont passées la fibre usée ton crâne n’est pas rasé de près mais tu fais plus saint que tous les supérieurs de la ville d’aujourd’hui
je te vois sourire assis en tailleur devant l’autel tu as l’air en visite mais chez toi
toutes les vieilles tous les vieux du quartier sont venus te voir
tu tends ta main droite vers ta droite et une femme la tient comme elle tiendrait la main de sa mère à l’hospice
tu tends ta main gauche vers ta gauche et un vieux la tapote en souriant comme il aimerait que quelqu’un qui que ce soit lui tapote la main
ta présence les calme et les bénit les autres vieux touchent les mains de ceux qui te touchent
on dirait une ronde une chaine d’âmes complices qui recharge en vie tous les présents
tout le monde sourit parle un peu fort comme à une matsuri d’été
des grand-mères sortent de leur sac des onigiri le temple est vivant
je te vois et regarde lentement la scène tout au ralenti comme un extrait de film de quelques secondes
mon visage rond te ressemble un peu tu pourrais être mon arrière grand-père qui était paysan dans une vallée du sud
moi si je suis devenu moine c’est parce que la famille de ma femme m’a adopté pour que quelqu’un s’occupe des lotus
je te vois et tu te tournes vers la pièce à gauche de l’autel tu fais glisser la cloison et me regarde dormir
tu me souffles des mots à l’oreille
je ne les entends pas j’aimerai les comprendre je te demande de répéter mais mon corps qui dort ne bouge pas tu disparais
j’ai noué la queue du diable comme ma grand-mère faisait quand elle perdait ses clés
tous les enfants connaissent le rituel
prendre un chiffon celui qu’on doit de toute façon laver depuis dix jours l’approcher de sa bouche pour lui cracher dessus en cinq salves de postillons rapides
l’insulter dans une langue du temps des pyramides
le nouer dans un geste grandiloquent de catcheur
et le lancer rageusement avec mépris au sol
le diable n’aime pas qu’on lui noue la queue alors il arrête sa mauvaise farce et les clés réapparaissent
je ne sais plus quand vraiment quand je l’ai perdu mais il y a désormais des chiffons sur le sol de toutes les pièces de la maison
j’ai refait en esprit le chemin de mon dernier souvenir vague probablement reconstruit
je suis allée dans la voiture et j’ai abîmé mes ongles sous le siège conducteur sous le siège passager dans la boite à gant et le coffre
j’ai cherché à midi et dans la nuit avec mes lampes de poche
l’avantage de chercher si longtemps c’est qu’on retrouve tous les objets pour lesquels on n’a pas noué la queue du diable
une télécommande dans un pli inaccessible du canapé un sac derrière un lit indéplaçable des vêtements qu’on aime le journal de motivation du voisin dans la voiture prêtée l’hiver dernier
les premières heures le cœur bat fort on sprint d’une pièce à l’autre on fait jouer ses mollets sur la pointe des pieds à quatre pattes on transpire on peste on s’énerve on s’en veut surtout qu’on est en retard au rendez-vous qu’il faut appeler pour s’excuser en passant pour une idiote qu’on s’imagine le calvaire de toutes les démarches à venir
un peu de temps passe et comme un chat sauvage plaqué contre un tablier de cuir pour être apprivoisé on ne se débat plus on bouge lentement la nuque d’ici de là on laisse ses yeux divaguer paresseusement en théorisant que c’est parce qu’on ne regardera pas consciemment que l’on pourra enfin retrouver l’objet perdu
après avoir tapoté deux fois la poche de chacun de ses vêtements dans l’armoire on regarde la pile au sol et en chemise de nuit avant de s’endormir une nouvelle fois on décide de passer la main dans tous les plis des vêtements des saisons passées toutes les poches même celles à fermeture éclair qu’on n’a jamais utilisée
on retrouve un ticket de caisse qui déclenche un souvenir heureux on se dit qu’il va bien falloir remettre les robes sur leurs cintres même celles qu’on ne peut plus porter
on monte au grenier dont on inspecte les poutres assise sur le sol l’air las on pourrait presque soupirer mais non la pointe d’énervement comme un poivre reste sur la langue rayonne doucement au palais
la pièce des ballons d’eau chaude où je ne fais jamais la poussière reste pareille à elle-même au moins les ballons ne fuient pas le fouillis piquant des machines du garage garde son étrangeté
si j’étais parano comme ma tante je me demanderai si tous les objets ne se moquent pas si les bruits de la maison ne masquent pas leur rire s’ils ne déplacent pas ce que l’on a perdu comme une équipe de basket en se faisant des passes
je donne un coup de pied dans le chiffon noué sur le sol de la cuisine et j’ai envie de crier pouce de reconnaître ma défaite de pleurer que cela suffit qu’il est temps que cela cesse que je dois vraiment le retrouver
on trouve dans le pastiche du journal des goncourt au début du temps retrouvé de proust la mention de deux types de céramiques :
« des assiettes Yung-Tsching à la couleur capucine de leurs rebords…«
« merveilleux plat Tching-Hon traversé par les pourpres rayages d’un coucher de soleil…«
une recherche rapide sur internet ne donne aucune réponse pour ces noms.
aucune !
ce qui conduit à deux hypothèses :
ces noms ne correspondent à rien et sont des éléments du pastiche : inventés
ces noms correspondent à une transcription ancienne ou erronée du chinois (ou d’une autre langue asiatique). on trouve par exemple dans « ideals of the east » de okakura, des transcriptions qui, un siècle plus tard sont difficiles à identifier, alors qu’on ne peut pas soupçonner cet auteur qui a rédigé son texte directement en anglais, de racisme ordinaire suscité par un complexe
l’hypothèse de noms inventés me semble la plus probable.
ce qui surprend et qui en dit long sur la curiosité occidentale pour l’asie, c’est qu’aujourd’hui et compte tenu de l’écho du roman, internet ne propose aucun résultat pour commenter ou analyser ces lignes.
tentons d’être non pessimiste a priori et imaginons que les appellations correspondent à des céramiques réelles simplement mal orthographiées.
a) yung-tsching : 雍正 ?
la seule possibilité semble être des céramiques de l’ère « yung-cheng » de la dynastie « ch’ing ».
ce que l’on transcrirait aujourd’hui par l’ère de l’empereur Yongzheng (雍正帝 : perfection harmonieuse) de la dynastie mandchoue qing : 1723-1735
une exposition chez sotheby’s en 2019 donne une idée de la céramique de cette période.
pourrait-il s’agir de l’empereur ming xianzong, que l’on appelle après sa mort chenghua (成化帝 : changement accompli) : 1464-1487 ?
cette période est notamment connue pour ses « chicken cup » : des tasses de porcelaine à motifs de poulailler en 5 couleurs utilisant un cobalt chinois plus clair que celui importé plus tard.
ces tasses prisées par les cours impériales restent des symboles de la céramique chinoise : une de ces tasses a récemment été vendue aux enchères pour 38 millions de dollars…
le contenu du livre sorti le mois dernier : 49 notes sur la céramique et le thé (je peux me déplacer pour présenter le livre à tout type de public, y compris en petit comité)
les bols qui se trouvent au chalet : 20% seront offerts sur les prix affichés sur chawans.net
Contact
kuma : barbery@gmail.com
Impératif en temps de vague covid omicron ba5 : vaccination complète, absence de symptômes ou de contact avec des personnes présentant des symptômes, gestes barrières.
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